Il y a des déclarations qui laissent songeur.
Il y a aussi des chutes qu’on devine inévitables.
La récente sortie d’Alphonse Charles Wright appartient aux deux catégories.
Ancien ministre de la Justice, magistrat de carrière, il aurait pu choisir le silence digne, la réserve du magistrat fidèle à son serment. Il a préféré les honneurs sonores : un soutien bruyant au CNRD, cette junte militaire dont les promesses démocratiques s’effilochent chaque jour un peu plus.
La fonction de magistrat impose pourtant rigueur, neutralité, fidélité à l’État de droit. Pas fidélité à la junte du moment. Pas adhésion aveugle à ceux qui gouvernent par la force après avoir suspendu la Constitution.
Alphonse Charles Wright revendique sa liberté d’expression. Très bien.
Mais un magistrat n’est pas un citoyen comme un autre : il est dépositaire d’une éthique permanente. Même en détachement. Même en disgrâce.
Soutenir publiquement un pouvoir militaire n’est pas un acte banal : c’est renier l’essence même de la mission judiciaire.
La forme, d’ailleurs, ne rachète pas le fond.
Fautes d’orthographe, phrases lourdes, syntaxe approximative… Le magistrat qui s’exprime en boitant de la langue révèle aussi, malgré lui, l’effondrement de l’esprit.
À croire que lorsqu’on renonce à la rigueur de la pensée, on renonce aussi, peu à peu, à celle du cœur.
Soutenir un régime qui interdit les manifestations, fait taire les voix dissidentes, multiplie les arrestations arbitraires et repousse indéfiniment le retour à l’ordre constitutionnel : voilà le choix qu’a fait Alphonse Charles Wright.
Libre à lui.
Mais qu’il cesse de revêtir la robe du droit pour mieux courber l’échine sous l’uniforme de l’autorité militaire.
La Guinée vit une transition dangereuse. Nos institutions s’effritent. Nos libertés sont en sursis. Notre avenir démocratique est suspendu aux caprices d’un pouvoir sans légitimité électorale.
Dans ce contexte, les magistrats, les anciens ministres, les voix publiques n’ont qu’un seul devoir : rester debout, droits dans leurs principes.
Pas chercher à plaire, pas chercher à survivre politiquement.
Quand les gardiens du droit deviennent les griots du pouvoir, ce n’est pas seulement leur honneur qu’ils perdent : c’est la confiance du peuple, et avec elle, l’idée même de justice.
La justice n’est ni un tremplin de carrière, ni un instrument de pouvoir.
Elle est, ou devrait être, l’engagement silencieux et loyal de ceux qui la servent envers la vérité et le peuple.
Quand ceux qui avaient pour mission de défendre la loi se rangent derrière la force, ce n’est pas seulement leur honneur qu’ils compromettent : c’est la confiance de tout un peuple qu’ils trahissent.
La Guinée mérite mieux que des robes asservies aux pouvoirs du moment.
Elle mérite des magistrats debout, fidèles au droit et à la nation.
Face aux dérives, chacun est appelé à choisir son camp : la loi ou l’arbitraire, la dignité ou la compromission.
Alphonse Charles Wright a, semble-t-il, fait son choix.
À nous, citoyens, de faire le nôtre.