Tous les putschistes se savent condamnés à disparaître, à partir comme ils sont venus, c’est-à-dire, dans la barbarie et la sauvagerie. Personne n’a jamais eu à les choisir, et donc ne peut regretter ni pleurer leur chute, vertigineuse, saluée, chaque fois, comme une heure de libération, une œuvre de Dieu qui, parfois, laisse du temps aux monstres qu’il crée pour leur permettre de se prendre pour lui mais ne manque pas non plus de leur réserver le châtiment qui leur convient.
Les armes que des officiers, dépourvus d’humanisme, qui ont renoncé à leurs devoirs, ont perdu tout sens de l’honneur, braquent contre leurs peuples et concitoyens, en se servant de tous les alibis, seront retournées contre eux, tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre. Ne dit-on pas que celui qui règne par les armes périra par les armes?
Les pays survivront aux dictatures militaires que certains veulent leur imposer. Mais tous ceux qui laissent faire, s’aventurent à contribuer à spolier les nations ou voudraient être le fer de lance et figures de proue des despotes, en payeront le prix fort.
Les putschistes confondent, allègrement, leurs destinées inévitables d’hommes voués à être traqués à leurs ambitions de s’éterniser au pouvoir mal acquis, de forcer, en vain, par la force du poignet, les portes de l’histoire. Le climat de chasse à l’homme, de harcèlement, d’intimidation ainsi que les velléités de confiscation du pouvoir en retenant les populations dans une camisole de force, constituent le dénominateur commun aux bandes armées qui veulent saper et saborder les acquis démocratiques de nombreuses années de luttes acharnées, de sacrifices considérables.
Évidemment, une minorité qui danse avec le diable ne pourra pas longtemps reléguer la majorité, les citoyens, sains de corps et d’esprit, à la condition de l’esclavage forcé. Les perdants seront ceux qui veulent remplacer la souveraineté du peuple par la suprématie des armes, ont choisi de se plier aux desiderata des militaires que de se ranger derrière les peuples pour défendre leur honneur souillé, leurs droits bafoués, leurs libertés confisquées.
Assimi Goita du Mali, Mamadi Doumbouya de la Guinée, Aboudrahmane Tiani du Niger, Ibrahim Traorè, du Burkina, pour ne citer que les crapules du groupe assistées de civils servils, affichent une fausse sérénité face à la peur et l’angoisse qui les éteignent, se retranchent derrière leurs canons pour soudoyer les esprits, frapper les consciences et se voiler aussi la face. Ils veulent contraindre par la force et soumettre par la terreur afin que personne ne doute de leur vulnérabilité, nul ne puisse mesurer l’étendue de leurs carrences. Or, on réalise à leurs regards vides et à leurs démarches, clopin-clopant, qu’ils ont rendez-vous avec la mort, courent à leur perte, marchent dans les sillons d’une fin tragique. Une arme plane au-dessus de chacune de leurs têtes fêlées. Il ne faut pas se fier à l’arsenal deployé outrageusement pour assurer leur sécurité ou au défilé ininterrompu de blindés dans leurs cortèges pour croire qu’ils sont bien protégés et hors de portée. On a déjà eu un aperçu des failles dans le « rideau de fer » ou « dôme de protection » autour d’eux.
Au Mali, le JNIM a frappé en plein cœur de Bamako des sites stratégiques parmi les mieux protégés du pays. En Guinée, un commando, sans coup férir, a réussi à franchir toutes les barrières de sécurité érigées partout dans la capitale Conakry qui s’apparente à un champ de bataille avec des armes de guerre installées à tous les carrefours, pour pénétrer à la principale maison d’arrêt du pays et libérer des prisonniers, scrutés à la loupe par les autorités nationales. La scène s’est déroulée dans le centre ville qui abrite le palais présidentiel, transformé en une ville-garnison, voire forteresse, considérée comme une citadelle imprenable depuis que Mamadi s’y est installé après son coup d’Etat sanglant du 5 septembre 2021 mais, héberge aussi un des camps militaires les plus sensibles et névralgiques du pays. Les assaillants n’ont pas rencontré de farouches résistances . Au contraire, ils étaient comme en territoire conquis, libres de leurs mouvements et très à l’aise dans leurs opérations.
Le pouvoir militaire qui, avant le grave incident, surjouait de sa force de dissuasion et de ses prétendues capacités intrinsèques pour susciter craintes et respect, et s’implanter aussi, est apparu comme une proie facile, surtout, s’est retrouvé au centre de la risée publique. Dans un sursaut d’orgueil, des têtes sont tombées en cascade. Le mal était déjà fait et le mythe d’un régime fort et d’un Mamadi Doumbouya invulnérable s’est effondré comme un château de cartes.
Le mouvement de panique et d’affolement qui s’empare du palais présidentiel chaque fois qu’une alerte avérée ou non est donnée confirme les doutes à propos de la « puissance militaire » des putschistes au pouvoir. Les forces spéciales qui tiennent lieu de garde présidentielle et supplantent tout le reste de l’Armee nationale aussi regorgent de jeunes recrues sans aucun bagage ni pedigree rassurants. Tout bruit ou murmure dans la cité déclenche un déluge de feu sans objet, but, ni cibles, en particulier. La preuve d’une fébrilité et d’un qui-vive permanents.
Au Burkina Faso, il a fallu qu’un obus tombe dans la cour de la radio, télévision publiques pour que le capitaine Ibrahim Traorè soit porté disparu des jours, durant. Le putschiste, n’arrête pas de crier au complot, d’ameuter les Burkinabé, à propos de manœuvres de subversion ou de campagnes de déstabilisation pour mettre fin à son règne fragile caractérisé par des errements personnels et des derives autoritaires instinctives et pathologiques. Il vit comme un rat dans un trou et donne l’impression que sa tête est mise à prix dans une surenchère interminable.
Au Niger, le Général Tiani, depuis son coup d’Etat de juillet 2023, un acte manqué, une hérésie historique, donne le sentiment qu’il a le monde entier contre lui, le diable aux trousses, la corde au cou: se sentant poursuivi par des ombres et fantômes, il sombre dans la paranoïa et se laisse tourmenter par le délire de persécution.
Comme on le voit, les néo-putschistes sont des tigres en papier qui sortent un semblant de griffes dans une stratégie d’intimidation délibérée et grossière qui devrait leur permettre de survivre à la colère des âmes conscientes, de conjurer la révolte du peuples, tenté de se rebiffer contre l’imposture révélée et les forfaitures consommées.
» Montrer la force pour ne pas avoir à l’utiliser », pour reprendre l’expression de Guillotin, est la posture commune. On veut dispenser le peuple de la force en le courtisant, sans cesse, en s’appuyant, exagérément, sur la manipulation, en essayant de le subjuguer, en permanence. En revanche, on n’hésite point à faire usage d’une violence aveugle contre les élites pour les réduire à néant, si jamais l’entreprise d’extermination pure et simple, en cours d’expérimentation, venait à échouer.
Samir Moussa qui ne croira jamais à la vertu du pouvoir kaki qui est la source de toutes les transgressions, le tombeau de la Démocratie et de l’Etat de Droit, refuse de se résigner à la fatalité et de se taire sur les bavures et exactions d’officiers prédateurs. Il usera de la force de sa plume et de l’arme des mots, sans répit ni aucune trêve, pour restaurer l’ordre démocratique et venger les peuples de l’oppression et de l’exploitation cyniques. C’est pourquoi, les putschistes du Niger, suivis de leurs semblables de Guinée, essaient, de recourir, machinalement, à la censure désespérée, ou de lancer des Fatwas incantatoires pour décourager l’une des voix les plus critiques, aujourd’hui, très audible, à leur encontre.
De Gaulle, un Général, qui, lui ne l’est pas de nom ou pour flatter son égo, et en a surtout le mérite et les qualifications, a prévenu « Il est vrai parfois que les militaires, s’exagérant l’impuissance relative de l’intelligence, négligent de s’en servir ». Les putschistes qui déshonorent l’uniforme qu’ils veulent arborer, fièrement, et désacralisent l’institution militaire par leur boulimie du pouvoir et leurs extravagances morales, n’ont pas d’intelligence pour pouvoir s’en servir ou non, ni conscience pour se fixer des limites à ne pas franchir et dépasser. Ils pensent qu’on peut garder prisonnier tout un peuple, ad vitam aertenam, qu’on tue la contestation en faisant disparaître ou en exécutant sommairement les contestataires, qu’on dispose du droit de vie ou de mort sur les citoyens dés lors qu’on les administre, qu’on est maître de la terre et du ciel lorsqu’on porte une arme… Ils veulent vivre de leurs illusions, dans l’arrogance et la vanité, ils mourront de leurs bêtises sans honneurs ni gloire.
Leur épitaphe, à chacun et tous pourrait se décliner ainsi: « vous avez voulu monter au firmament, dans le ciel, vous voilà enterrés six pieds sous terre, vous avez versé le sang de vos compatriotes, les vers désormais se nourriront de votre chair. « Pauvres mortels! »
Samir Moussa