Barreau guinéen : cinq avocats accusés d’insuffisance professionnelle, faux et usage de faux, conflits d’intérêts
le scandale des robes noires éclaboussées
Le barreau guinéen vacille. À Conakry, cinq avocats, censés incarner la défense du droit, se retrouvent à leur tour sur le banc des accusés.
Me Moussa Sidibé, Me Bernard Sâa Dissy Millimouno, Me Kabinè Kourala Keita, Me Oumou Koultoumy Conté et Me Bomby Mara font face à de graves accusations , insuffisance professionnelle, faux et usage de faux, conflits d’intérêts et violation de la loi 014.
Leur plaignant ? Guinea Power Multiservices Sarl (GPMS), qui les accuse de s’être transformés en alliés objectifs de la partie adverse, Sily Ciment, dans un procès qu’ils étaient pourtant payés pour défendre.
L’affaire, révélée par le site d’information Guinee114.com, met à mal l’image d’un barreau guinéen déjà en proie à une mauvaise réputation.
Les documents consultés par le média pointent des “agissements” et “comportements” pour le moins troublants. D’après GPMS, ces avocats auraient travaillé contre les intérêts de leur propre client, foulant aux pieds les contrats signés, et avec eux, l’éthique professionnelle.
Une plainte a été déposée auprès du président de l’ordre des avocats, Me Mamadou Souaré Diop, qui promet de saisir le Conseil de discipline dès la prise de fonction du nouveau bureau en janvier.
Pour l’instant, les robes noires incriminées gardent le silence, à peine éclipsé par un souffle d’indignation au sein de la profession.
Dans un retournement digne d’un film judiciaire, GPMS a malgré tout remporté son procès contre Sily Ciment devant le tribunal de commerce.
Une victoire “haut la main”, ironisent certains, qui ne doit rien aux manœuvres dénoncées mais bien au bon sens du tribunal. Une maigre consolation pour la société, dont le directeur général martèle vouloir mener ce combat non pas pour lui seul, mais pour éviter que d’autres justiciables ne subissent les mêmes errements.
La loi 014, pierre angulaire du dossier, aurait été allègrement contournée par ces avocats, révélant au passage les failles d’un système qui peine à s’auto-réguler.
Mais pour le plaignant, cela ne change rien. Ce combat contre les avocats « déloyaux » est, dit-il, un devoir civique , empêcher que d’autres justiciables se retrouvent à leur tour dans ce genre de tragi-comédie judiciaire.
Si la justice a su, dans ce cas précis, distinguer le droit des travers, l’ordre des avocats est désormais sommé de faire preuve du même discernement.
Un test grandeur nature pour une profession ébranlée, entre accusations graves, enjeux d’intégrité et urgence de redorer le blason d’une institution qui ne peut se permettre de flancher. Le barreau guinéen, pris dans la tourmente, saura-t-il se relever ?
Abdoul Latif Diallo
Journaliste d’investigation
Très très indépendant