Transitions: Leurres, heurts et malheurs…
Après les moments d’euphorie consommés, les transitions sont dans l’impasse, rattrapées par la dure réalité du pouvoir, par endroits, mais surtout, parce qu’elles veulent toutes perdurer dans le temps et ne jamais connaître de point final, quoi qu’il en coûte.
Le charme des coups d’Etat est totalement rompu, la magie des putschistes n’opère plus, depuis belle lurette. Si les coups d’Etat ont été applaudis par une génération qui n’en savait rien du tout, chacun se rend compte, désabusé, que ce n’est pas une solution, ce n’est jamais une panacée. Au contraire, c’est la source de tous les problèmes et de tous les maux. On réalise, bon an mal an que la Démocratie peut avoir des limites et des insuffisances mais qu’elle est de loin préférable à un pouvoir militaire qui, en soi, est une épée de Damoclès au-dessus de toutes les têtes. Le Mali qui a ouvert le bal en Afrique de l’Ouest regrette d’avoir renoncé au pari démocratique pour le miroir aux alouettes de l’espérance militaire. Le pays est partagé entre l’orgueil de récouvrer enfin sa pleine intégrité en reprenant des territoires longtemps perdus et l’humilité de reconnaître ses erreurs et mauvais choix. En attendant, l’horizon est chaque jour plus incertain et chacun vit un sentiment d’insécurité, gouvernants et gouvernés.
Le Burkina, ces derniers jours, défraie la chronique. Le capitaine Ibrahim Traoré qui a cultivé l’image d’un homme fort de l’adhésion populaire et de la confiance de ses pairs, est confronté à une crise qui risque de l’emporter, à tout le moins, entame son mythe de toute-puissance et d’invulnérabilité. Il ne semble plus, à ce jour, avoir le soutien précieux des populations, lasses des fausses promesses et confrontées à la précarité quotidienne, ni ne se fait encore obéir par des troupes récoltées par les nombreuses pertes en vies humaines sans cesse enregistrées sur les différents fronts. Le navire Burkina tangue. Le capitaine IB n’est pas loin du naufrage. Tout seul, il a creusé sa propre tombe.
Les transitions guinéenne et nigérienne ont aussi leur lot de difficultés et d’incertitudes. Au Niger, la crise sécuritaire s’aggrave, l’économie pénalisée par les sanctions sévères qui ont suivi le coup d’Etat dans le pays a du mal à se relever surtout que la manne pétrolière souffre de l’embargo beninois et des menaces de sabotage des installations proférées par un groupe armé qui a déjà frappé une fois. Personne ne peut savoir de quoi demain pourrait être fait dans une situation aussi volatile.
Quant à la Guinée qui semblait logée à une meilleure enseigne que les autres Etats en transition, les choses se gâtent aussi à un rythme frénétique. Le tableau de bord économique augure des lendemains éprouvants dont les effets pervers se font sentir déjà dans le panier de la ménagère avec un pouvoir d’achat dans l’agonie. Des tensions s’accumulent et s’amoncelent dans le ciel, à cause de l’exclusion systématique des acteurs majeurs de l’échiquier politique du processus, des aléas du calendrier de la transition, de la suspicion légitime à propos des projets et desseins des tenants du pouvoir. Des rumeurs récurrentes de bruit de bottes sèment le doute dans les rangs et nourrissent davantage l’obsession sécuritaire. Le feuilleton à rebondissements du Général Sadiba Koulibaly accusé de fomenter un coup d’Etat fait trembler plus encore, car il n’était pas n’importe qui dans le CNRD et compte parmi les officiers redoutables de la grande muette. Les autorités du pays restent donc sur le qui-vive, échaudées par plusieurs alertes, convaincues de velléités diverses de complot. Le pays, tout entier, retient son souffle, vit dans la hantise d’une déflagration qui pourrait venir de n’importe lequel des innombrables foyers de tension qui couvent. Chacun, à commencer par ceux qui ont la charge du pays souffle sur la braise en criant au feu tout en en priant de ne pas brûler avec les autres. Et, pourtant, on ne récolte que ce que l’on a semé : on l’oublie trop souvent !
Thierno Hassan Sakho